Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article VER SACRUM

VER SACRUM. Voir DEVOTIO, p. 115-116 ; cf. VERTU11NUS. Quoique le nom de ce dieu latin ne figure pas parmi ceux dont les divers catalogues dits VER 738 VER des INDIGITAMENT' (III, 1, p. 469 sq.) ont conservé le souvenir, il n'est pas douteux qu'il est de nature identique et qu'il représente comme eux l'une des plus anciennes personnifications de la religion agricole des Romains. Le nom même est, à ce point de vue, caractéristique ; il peut, en effet, être rapproché de Pilumnus, de Picumnus, de Vitumnus, et pourrait avoir été formé de verlere comme aiumnus de alere : celui qui change; c'est-àdire qu'il est vraiment latin et italique'. Cependant, la tradition veut que ce dieu ait été d'origine étrusque ; Varron le considère même comme le dieu principal de l'Étrurie 2 ; à Itome, sa plus ancienne image était érigée dans le Vicus Tuscus. Il était également en honneur chez les Latins et les Sabins. Non seulement à Rome. mais dans les pays d'où les divers éléments de la population primitive de Rome étaient originaires, on l'honorait comme le dieu des arbres fruitiers, apparenté par sa nature à Pomone et à Cérès ; parmi les dieux à qui le roi Sabin T. Tatius érigea des autels à Rome figurait Vertumnus 3. La forme latine du nom correspond à la notion de l'annus vertens ; et l'action du dieu fait la transition entre les dernières récoltes de tout genre et le début de l'année nouvelle'. Mais sa nature protéiforme l'a fait considérer comme une personnification qui préside aux saisons de l'année en général. L'étymologie se prête à cette dernière interprétation ; la fable du dieu invite à préférer la première. Une tradition conservée par Sers nus fait de Vertumnus un dieu d'origine romaine, mêlé à l'ancienne religion du Tibre Tn1ERIvLS, p. 298 , dont il aurait détourné le cours : Tiberis, anlequam Vertumno f'actis sacri/iciis averteretur....5. Cette légende. qui n'est peu t-être qu'une fantaisie inspirée par la nature changeante du dieu, se mêle à celle des Jumeaux, du Lupercal et du fleuve surnommé Ilunton, nourricier. Les poètes du temps d' luguste, à part Virgile, l'ont tous plus ou moins exploitée. Tibulle, pour définir une beauté qui renon elle sans cesse ses charmes, rappelle Vertumnus, qui jouit dans l'Olympe du bonheur perpétuel, passant par mille formes diverses, toutes également ravissantes G. Properce explique son nom par la variété inépuisable de ses aspects, après l'a\oir fait remonter à l'exploit par lequel le dieu réussit à changer le cours du Tibre ; tel est aussi le cas d'Ovide. « Ma nature, lui fait dire Properce, estsusceptible de revêtir toutes les formes; quelle que soit celle qu'on me prête, elle ne va jamais sans la beauté 7. » Par cette faculté de se transformer à l'infini, Vertumnus ressemble à Protée, avec cette différence que jamais il ne prend des aspects laids et terrifiants. En revanche, on lui prête des rôles et des figures vulgaires ; non seulement il change le cours des fleuves, mais il se fait marchand, le propre du négoce étant l'échange et aussi la transformation des marchandises$. On expliquait par là que son sanctuaire s'élevât dans le Vicus Tuscus, plein de boutiques en tout genre. Vorace, tournant en ridicule quelque personnage incohérent et versatile, dit qu'il a beau changer, il restera toujours absurde, comme si ces avatars étaient l'effet de mille Vertumni acharnés sur lui: Vertumnis, quotquot sent, natus iniquis 9. Properce, qui a composé en l'honneur du dieu une de ses meilleures élégies archéologiques, nous dit que les DESULTORES (II, p. 113) l'ont pris comme patron et que pour cette raison on les appelait Vertumni10 Dans ce même morceau le dieu prend à volonté toutes les personnalités, toutes les formes : il est homme ou femme, faucheur, soldat, moissonneur, buveur à la façon d'un des suivants de Bacchus ; il prend de même la figure d'Apollon, se change en chasseur, pêcheur, oiseleur, marchand, berger, fleuriste et jardinier. En un mot, il est un Protée familier, partageant avec ce génie maritime les facultés prophétiques et ne cédant qu'à la violence, quand on lui demande de rendre des oracles " Verlumnus, d'autre part, offre des traits de ressemblance avec SILVAN1 S, comme nous l'avons fait remarquer ailleurs (IV, 1, p. 1313). Rien de surprenant qu'un dieu, dont l'être exprime surtout le changement, soit aisé à confondre avec d'autres ligures12. Vertumnus fait penser au génie protecteur des bois, lorsqu'il exerce le métier de faucheur: « Donne-moi une faulx et ceins ma tête d'un rouleau d'herbes séchées"! » C'est pour cette raison que nombre de figures de Silvanus ont été à tort considérées comme représentant Vertumnus". Ovide ne pouvait manquer de donner à Vertumnus une place d'honneur dans ses lllétamorphoses; l'épisode où il raconte son roman d'amour avec Pomone compte parmi les plus heureux du poème (IV, p. 547, 1) 15. Il est d'ailleurs probable que le dieu ombrien Puemunus, devenu Punlonis chez les Sabins, a été absorbé dans la personnalité populaire de Vertumnus. De même celui-ci a été confonduavec Volturnus, d'autant plus aisément que l'orthographe archaique du premier nom est Vortumnus16. Le plus ancien culte de Vertumnus à Rome est à chercher dans le Vicus Tuscus, où était érigée son image; il parait avoir eu un sacellum sur l'Aventin ; on lui offrait des sacrifices le 13 août, date caractéristique, puisqu'elle marque le début de la maturité pour les fruits d'automne "Al ne semble pas que ce culte soit sorti d'Italie. Les inscriptions nomment Vertumnus en compagnie de Cérès ; une seule jusqu'à présent le signale aussi en Ligurie t8. La statue archaique qui le représentait, à Rome, se dressait au point de séparation du Vélabre et du Vicus Tuscus; Tite-Live en fait mention pour désigner l'emplacement de la maison de P. Scipion l'Africain en VER 739 VER 169 av. J.-C.1. Otfried 11lueller a supposé qu'elle avait les traits d'un Bacchus étrusque; un vers de Properce autorise cette conjecture: Cinge capta milita, speciem farabor Iacchi 2. Elle était en airain au temps d'Auguste et avait remplacé une figure en érable, grossièrement taillée Toutes les statues mises par les archéologues sous le nom de Vertumnus sont à restituer à Silvanps ; quant aux Vertumnalia du mois d'août, dont il n'est explicitement question nulle part, il est probable qu'ils sont des Volturnalia, fête en l'honneur du Tibre, qu'on célébrait le 27 de ce mois'. J.-1. Iln.n.